Depuis quelques mois, la FCC a pris en compte la défense des socio-professionnels de la filière équine qui subissent des attaques de militants de la "cause animale" dont l'objectif est d'abolir toute inter-action entre l'humain et le cheval. Cette position nous engage dans un débat avec un certain parti pris. Or, pour conforter des thèses, il est toujours utile de les confronter en toute objectivité avec d'autres avis. C'est en faisant des recherches sur le net que nous avons rencontré le blog de Laura ARMAND (page Etho'Lau sur Facebook)  et son analyse complète et documentée (puisque même notre action y est référencée...! 😄) ; nous vous le livrons ici, à l'identique, après accord de l'auteur.

 

PRÉFACE :

Cet article vous présente un tour d’horizon général sur le contexte de l’antispécisme dans le monde du cheval, en vous faisant part des différents points de vues et réactions. Merci de veiller à échanger dans le respect et la bienveillance. N’hésitez pas à partager vos liens et références pour le compléter. Je vous invite à prendre le temps nécessaire à la lecture et au visionnage des liens présents, qui sont essentiels à la clarté générale de l’article. Merci de votre compréhension.

COMMENT DÉFINIR LE SPÉCISME ET L’ANTISPÉCISME ?

Difficile quand on fait quelques recherches sans en être spécialiste, de lui trouver une définition arrêtée et précise. Ce terme étant très récent. Celui de Universalis m’a semblé être le plus clair.

“L’antispécisme s’oppose au spécisme. Le spécisme est un mot «francisé» de l’anglais «speciesism» qui désigne toute discrimination qui serait fondée sur des critères d’appartenances à une espèce biologique donnée.”

L’antispécisme donc, rejette toute idée que l’homme puisse, par son espèce, avoir un ascendant sur une autre ou se dissocier du règne animal, et ainsi justifier de traitements différenciés ou de discriminations.

HISTORIQUE DE L’ANTISPÉCISME DANS LA FILIÈRE ÉQUINE ET ZOOM SUR 2019 :

Les mouvements contre l’exploitation des espèces ne datent pas d’hier. Il y a des idéologies et des orientations différentes. De ce que l’on peut en retenir, c’est que le monde du cheval est en général assez peu visé ou sur des interventions isolées. La filière bouchère et les courses étant majoritairement touchées. Les actions mises en places étaient destinées à alerter et informer.

En grande partie par la distribution de tracts et signatures de pétitions, aux abords des grands événements de rassemblements sportifs ou salons équestres. Et certaines vont plus loin dans l’idée d’une exploitation plus étendue du cheval ( sports, jeux, loisirs…).

@affiche One Voice, 2009

Ces actions sont généralement peu médiatisées et peu relayées. Mais qu’elles soient organisées en groupe, ou isolées, elles existent.

Par exemple le 25 Aout 2019, pendant le championnat du monde de CSO, à Rotterdam. Lors du parcours de Marc Houtzager et son cheval Sterrehof's Calimero, deux militants sont entrés sur la piste, avec le slogan Stop horse slavery” (Arrêtez l'esclavage des chevaux).

Vous trouverez quelques informations complémentaires, photo et réactions dans les liens ci-dessous :

http://www.grandprix-replay.com/new/18378/le-parcours-de-marc-houtzager-perturbe-par-deux-defenseurs-animalistes-

http://www.federationconseilchevaux.fr/page/115-confrontation-physique-reaction

https://actu.fr/societe/maltraitance-animale-normandie-monde-cheval-plus-plus-attaque-anticipe_27378085.html

Dans cette même période, se tenait à Bordeaux la troupe équestre Zingaro pour la représentation de son nouveau spectacle. A cette occasion l’association girondaise ACTA (Agir Contre la Torture des Animaux) décide de réagir et programme une manifestation le 1er Septembre 2019.

Mais le 20 Août 2019, la mort d’un poney de la troupe, suite à un accident en pleine représentation, va faire grand débat sur les pratiques équestres et va également émouvoir et faire réagir les associations antispécistes et de protections animales. Ce drame relayé et médiatisé sera suivi du rassemblement prévu du 1er septembre, de l’association ACTA, qui bénéficiera d’un large rayonnement, en se retrouvant sous les projecteurs.

https://www.sudouest.fr/2019/08/21/a-bordeaux-le-theatre-zingaro-en-deuil-6466788-2780.php

https://rue89bordeaux.com/2019/08/mort-petit-cheval-zingaro-alimcolere-antispecistes/

Fin 2019, la FCC ( Fédération nationale des Conseils des Chevaux) qui vise à rassembler, coordonner et aider la filière équine, sous des regroupements régionaux, décide de réagir et crée le programme « mon cheval est mon partenaire ! », et un guide complet disponible ici : http://www.partenaire-cheval.fr/ .
Complément d’information sur la FCC, disponible ici :
http://www.federationconseilchevaux.fr/page/2-federation-nationale-des-conseils-des-chevaux.

La visée est de : « Comprendre les mouvements animalistes » et « A réagir si vous êtes confronté à une de leurs actions, afin de défendre vos intérêts professionnels le plus efficacement. » Ce programme s’accompagnera de l’ouverture d’un groupe Facebook le 18 Septembre 2019 https://www.facebook.com/groups/514011776068732/ et de l’envoi d’un courrier en décembre 2019, à plus de 40000 intervenants de la filière équine, contenant une carte avec un numéro vert d’assistance de conseil et d’accompagnement.

Le 7 Novembre 2019, se déroulent les Assises de la filière équine à Angers, avec pour thème « Le bien être équin ». Elles ont regroupé de nombreux intervenants de tous horizons.

La première « table ronde » permettait d’échanger sur la notion de bien être : aspects sociétaux et physiologiques. Elle comportait les thématiques suivantes : Quel est notre rapport au cheval aujourd’hui ? En quoi a-t-il changé ? Pourquoi parle-t-on de bien-être ? Quelles sont les limites de ce bien-être ? Vers quelle tendance s’orientons-nous (véganisme, nouveaux codes juridiques envers les animaux, interdiction des manèges à poneys…) ? Comment évaluer le bien-être du cheval ?

C’est l’intervention à cette table ronde de Sébastien Jaulin ( Instructeur en éducation éthologique, spécialiste débourrage), qui a marqué les esprits, et a été très relayée. « Dès le moment ou on ne pourra pas justifier nos méthodes d’entraînement, nos méthodes d’hébergement, justement en adéquation avec la nature même du cheval, c’est là qu’on risque de se faire coincer et qu’on finisse par nous interdire de monter à cheval » Tous les moments « forts » des assises, disponibles ici :
http://www.france-sire.com/actu_webtv-20980-differe_la_5eme_edition_des_assises_de_la_filiere_equine_sur_le_bien_etre_equin.php

Une autre actualité très repartagée de cette journée, fût le débat inédit, organisé entre Nicolas Marty ( Membre de l’association ACTA « Agir Contre la Torture des Animaux ») et Jocelyne Porcher (Directrice des recherches à l’INRA).
Visible ici :
https://www.youtube.com/watch?v=kPiumWkQNbk

Ce débat fait réagir, on peut notamment lire le 8 novembre 2019 dans le magazine équestre « jour de galop » un article à son sujet. http://www.jourdegalop.com/2019/11/ce-que-veulent-les-antispecistes

Le 4 Décembre 2019, Andy Booth lors de son interview posté sur la chaine “Anima Equi”. Mentionne la réalité des mouvements antispécistes. L’équitation va être remise en question et va avoir des difficultés dans les années à venir”(…) Comment peut-on justifier éthiquement ce que nous faisons, je crois qu’on a tous une responsabilité de partir à la recherche d’une équitation éthique (…) sinon notre passion ne va pas survivre”. Visible à 1h2min45sec ici :

https://www.youtube.com/watch?v=XlRv0hc-cgs&fbclid=IwAR34Zta-OeNd_mHjdmZ68EVyX9KkFnXG2SGPANmqCoIMynvPfHZdOIytTso

Mais également une réaction de l’éthologue Hélène ROCHE, avec le 12 Décembre 2019, une intervention vidéo en direct, intitulée « Faut-il arrêter de monter les chevaux ?». Dans laquelle elle a souhaité s’exprimer sur un certain malaise ressenti dans la filière. Face au question de bien être équin vis-à-vis de la montée médiatique de l’antispécisme. Lien du replay ici :
https://www.youtube.com/watch?v=FjehYooAzC4&feature=youtu.be&fbclid=IwAR0seL3g0iNM2hLV1ZvFttQVFDdH6PM7DV-GvsU71ytN-NAFI_NWop4k4Tc

La suite en 2020 … ?

ET AU SEIN DES MOUVEMENTS ANTISPÉCISTES QUE SE PASSE-T-IL ?

Tout n’est pas tranché et tout reste sujet à débat. Ces mouvements comptent des milliers d’individus à travers le monde, dont certains sont cavaliers, amateurs ou professionnels de la filière équine. Le sujet de l’équitation et de la relation homme-cheval est un des sujets qui fait le plus débat au sein même des mouvements antispécistes. Quand on procède à quelques recherches, voilà ce que l’on peut trouver :

La blogueuse américaine, Emily, de bite size Vegan, suivie par plus de 40000 personnes sur sa page Facebook, propose une série de 5 vidéos sur l’éthique du cheval, postées sur YouTube en 2014. Ici (Attention, certaines images peuvent choquer, et certaines pratiques énoncées ne sont pas appliquées dans tous les pays) https://www.youtube.com/watch?v=VNKI79NMTHY&list=PLmIqdlomtuStYJe3oD-NpUxydS3_iOPJq&index=5

Les thèmes traités sont : les dommages que provoquent le fait de monter à cheval, les effets néfastes du mors, l’industrie des courses et enfin le relation homme-cheval. Remise en cause des notions de respects et de confiance du « Horsemanship », Équitation éthologique. Avec l’interview de Ren Hurst, ancienne cavalière et professionnelle, qui a radicalement bouleversé ses pratiques et sa vision des choses, jusqu’à arrêter de monter les chevaux. Son histoire et son livre « Riding on the Power of Others: A Horsewoman's Path to Unconditional Love » est disponible en anglais, pour ceux qui souhaitent s’intéresser à son parcours et à sa vision des choses.

La blogueuse indique également : « De tous les sujets sensibles que j’ai couverts, de la religion à l’avortement, mes vidéos sur l’éthique de l’équitation ont de loin provoqué le plus de controverses. »

span style="font-family:Calibri,sans-serif">Quand on recherche sur les forums végans, on peut y trouver certaines thématiques comme sur ce lien de discussion intitulé « Coup de gueule d’une végane qui monte à cheval » : https://forum.vegetarisme.fr/index.php?topic=3870.0

Ces échanges de 2016 montrent des avis et des points de vues complètement partagés. Il y a des avis très tranchés, d’autres plus mitigés, ceux qui ne savent pas. Le sujet y est même traité avec un humour certain.

Finalement, ce n’est pas si simple de trancher sur notre rapport aux chevaux, même au sein des mouvements antispécistes.

ET SINON PLUS PRÉCISÉMENT, QU’EST CE QUI COINCE ? PEUT ÊTRE SUFFIT T’IL DE FAIRE QUELQUES CONCESSIONS ?

Vaste question ! Souvent ce qui est abordé c’est la notion du cheval qui doit être libre et faire ses propres choix. Mais cette notion, qui peut être très philosophique, est-elle identique pour tout le monde, en avons-nous tous une idée précise, claire, nette, concrète ?

Certains sujets rassemblent, d’autres divisent. Par exemple si vous prenez cette liste que l’on pourrait rallonger presque à l’infinie et que vous cochiez « pour », «contre », ou alors «blanc» vous n’en trouveriez peut être pas une identique à la vôtre ! Mais elle aurait sûrement aussi des points communs ou des points de rassemblement avec d’autres (Dans le monde équestre ou chez les antispécistes) :

« Les fermes à sang, l’hippophagie, monter à cheval, atteler, les chevaux de corrida, le rodéo, les manèges à poneys, les courses, les concours, la douleur physique, la douleur mentale, l’inconfort, les stalles, les box, les paddocks individuels, les cravaches, les sticks, les fouets, les éperons, les museroles, l’hyperflexion, les enrênements, les embouchures, les œillères, le sevrage précoce, le sevrage brutal, le débourrage précoce, la tonte, le rasage des vibrisses, les transports réguliers, la sélection génétique, les entraves de toutes sortes, les tords nez, les castrations, les fers, les couvertures, les marcheurs, les cavaliers trop lourds, les aliments concentrés, les chevaux qui vivent seuls, les chevaux qui vivent uniquement avec des animaux d’autres espèces, … »

Vous vous êtes reconnu quelque part ? Vous êtes d’accord avec certaines choses mais pas avec d’autres ? Vous vous demandez ce qui cloche sur une thématique, vous ne voyez pas le rapport de certaines ? D’autres vous ont mises mal à l’aise ? Ce sont pourtant tous des sujets qui, mis sur la table, amènent des discordes plus ou moins importantes. Les “pour”, les “contre”, les “pour mais il faut l’encadrer” les “je ne sais pas”, les “je sais que c’est pas l’idéal mais comment fait-on quand on a pas le choix , pas l’argent, pas la possibilité…?” Finalement antispécistes ou filière équine, pro ou amateur, les notions de liberté, de choix, de bien être, de bien traitance ne sont pas si évidentes. Il y a des idées communes comme des désaccords.

Le point positif est que l’on s’intéresse et l’on se questionne sur tout cela, on y accorde une valeur. Mais que faut-il changer, est ce que tout le monde a la même définition et la même notion de chaque terme, de chaque usage, de chaque mots ? Si changement il doit y avoir, pour quand ? Combien de temps avons-nous ? Notre rapport au cheval et notre équitation est-elle en danger si nous mettons trop temps à réagir ?

MAINTENANT QUE C’EST LÀ, QU’EN FAIT ON ?

Si on tente de relayer quelques-unes des différentes réactions et prises de positions, elles sont nombreuses, en voici quelques exemples:

- Sentiment d’injustice. Ceux qui se sacrifient, ne comptent pas leurs heures, ceux qui y laissent leur santé, ceux qui sont dévoué à leur métier et à leurs chevaux.

- Non concerné: Ceux qui se sentent loin de tout cela, qui ont peu ou pas connaissance du sujet de l’antispécisme ou sont peu touchés. Ceux qui pensent que ce sont surtout d’autres domaines qui sont concernés, et que tout le monde n’est pas dans le même sac.

- Inquiétude, Peur : Ceux qui ont peur que le mouvement prenne de l’ampleur, peur de ne plus être autorisé à monter des chevaux ou même à vivre avec eux, « que faire ? Comment réagir ? Les chevaux sont ma passion, mon activité est-elle en danger ? »

- Agacement, Colère : Ceux qui trouvent que les antispécistes, ne partagent pas leur monde avec celui des chevaux, ne connaissent rien au cheval, ne le côtoient pas et se permettent de donner des leçons.

- La législation, Protection : Ceux qui veulent se protéger au mieux, appliquer les lois pour qu’il n’y ait pas de débordements.

- Recherche d’ententes communes : Ceux qui trouvent qu’il y a des questionnements intéressants dans les deux camps, que l’on peut avancer ensemble pour trouver des améliorations communes notamment grâce aux sciences équines. Se concentrer sur ce qui nous unis en laissant de côté tous les extrêmes.

- Cohésion pour faire front : Ceux qui veulent se rassembler et se soutenir face à ce mouvement pour faire front.

- Sentiment de malaise, remise en question, doutes : Ceux qui pensent que sur certains points les antispécistes ont raisons, car ils ne sont pas toujours à l’aise avec ce qu’il se passe autour d’eux ou avec leurs propres agissements dans le monde équin. Ceux qui pensent que par tous leurs apprentissages, ils ont fait souffrir des chevaux. Ceux qui pensent qu’ils ont mal fait et qu’ils continuent à faire des erreurs, « Est ce que je dois faire le choix d’arrêter de monter à cheval, je me pose sérieusement la question ? »

- Un effet de mode qu’il faut laisser passer : Ceux qui ont conscience de ce qui est en train de se passer mais qui s’en détachent, pensent que l’on accorde à ce sujet une valeur bien trop importante, que les mouvements antispécistes sont assez minoritaires et qu’ils vont s’estomper.

- Les valeurs historiques et culturelles : Ceux qui disent qu’on a toujours fait comme cela, qu’on ne va pas abolir des pratiques culturelles et ancestrales. Il n’y a pas de sujet, il n’y a pas de débat, c’est un patrimoine intouchable et qui doit perdurer.

- C’est plus grave ailleurs : Ceux qui pensent qu’il y a quand même des choses plus grave à traiter sur la cause animale avant de s’attaquer à la filière équine.

- Il faut échanger et montrer patte blanche: Ceux qui pensent qu’il faut rendre transparentes les méthodes de la filière, échanger, être plus accessible, adapter le discours, le langage, montrer ce qui se fait, expliquer et justifier les pratiques.

- Envie d’évoluer, de progresser : Ceux qui aiment bien trop partager leur monde avec celui des chevaux pour envisager une rupture, qui veulent s’améliorer, se former, s’intéresser, progresser et faire ce qu’ils peuvent à leur niveau. Ceux qui pensent que si tout le monde fait comme cela les chevaux pourront vivre avec les hommes dans un monde commun et en harmonie.

- Ceux qui sont partagés entre quelques-unes de ces réactions et aussi tous les autres …..

Et vous, maintenant que le sujet est là, que choisissez-vous d’en faire ?

 

Laura ARMAND

Etho’Lau